Deadline, pitch, co-working : comment et pourquoi évolue notre langue ?

Le 21 février 2024, c’est la journée internationale de la langue maternelle ! La langue est une partie intégrante de notre vie, elle nous permet de communiquer, elle est porteuse d’histoire, de culture et de nuances. Les langues sont en perpétuelle évolution et le français ne fait pas exception... Si certains y voient la preuve d’une langue qui vit un enrichissement, pour d’autres, il s’agit d’une déstructuration.

Actualité langue française

Une mutation inévitable  

Les langues évoluent en permanence. La langue française est d’ailleurs née de la mutation d’une autre avec l’occupation romaine. Les couches supérieures de la population apprenaient le latin classique, mais comme la quasi-totalité de la population ne savait pas écrire, les mots se sont largement déformés… De nombreuses langues se développent ainsi en France, dont le gascon, le picard et le français du domaine royal.

À la Renaissance et au début de l’Âge classique, le vocabulaire et la grammaire sont normalisés et stabilisés. La langue du roi est finalement choisie comme langue officielle et l’écrit impose peu à peu la normalisation de la langue. 

Pendant longtemps les modifications sont considérées comme positives, de plus en plus de mots apparaissent dans la langue française au fur et à mesure du temps et des évolutions de société, comme le mot « ordinateur » en 1955 ou beaucoup plus récemment, en 2023, les mots « mégenrer » et « métavers ». Aujourd’hui, l’avis des Français est beaucoup plus nuancé sur le sujet.

L’anglais, too much ?

Une influence flagrante

Les langues sont depuis toujours influencées les unes par les autres, mais depuis des dizaines d’années, c’est la langue anglaise qui s’impose partout : chansons en anglais, séries en VO, ou repas à l’américaine… La nourriture, la mode, les publicités, l’anglais s’invite dans tous les domaines, entrainant avec lui des modifications de notre comportement, notre manière de parler et même notre langue elle-même. Les anglicismes s’imposent en grand nombre au sein de la langue française et ce n’est pas au goût de tous.

Entre irréductible et commodité

Qu’on les aime ou qu’on les déteste, certains anglicismes sont tellement ancrés dans le langage courant qu’ils seraient irremplaçables. Il y en a dans tous les domaines et dans tous les secteurs : football, t-shirt, pop-corn, basket, week-end, shopping, short, puzzle, camping, selfie, baby-sitter… la liste est interminable. En revanche, il existe bon nombre de mots et d’expressions quotidiennes qui pourraient facilement être remplacés par du français : liker une photo, perdre ses followers, click and collect, être addict, faire un jogging, être en call… tous possèdent des équivalents en français. Dans ce cas précis, les avis divergent, si l’Académie française n’est pas favorable à leur utilisation, beaucoup de Français en sont des grands partisans, notamment la jeune génération.

Un marqueur social et générationnel

Selon le rapport de l’Ifop sur la relation des Français à la langue anglaise et son apprentissage, un peu plus d’un quart des Français déclarent comprendre et parler l’anglais (28 %), et ce chiffre passe à 48 % chez les 18-24 ans. Dans cette même catégorie d’âge, 66 % regardent des séries ou des films en anglais. Parler anglais et utiliser des mots issus de la langue anglaise dans le langage courant devient un signe de valeur pour les jeunes, mais, au-delà de l’âge, c’est aussi un marqueur social : 23 % des parents cadres déclarent avoir déjà payé des cours d’anglais à leurs enfants.

La simplification de la langue

Il suffit de visionner des archives de l’INA datant d’il y a 30 ou 40 ans pour le réaliser : la langue française n’est plus du tout parlée de la même manière. Raccourcis, disparition de certains mots, remplacement d’autres par un vocabulaire plus concis et souvent condensé… on assiste à une véritable simplification de la langue. Cette transformation ne se fait pas qu’oralement, mais passe aussi par des grosses reformes de l’orthographe comme celle de 2016-2017 qui a fait disparaitre des manuels scolaires l'accent circonflexe sur le "i" et le "u" et a simplifié l’orthographe de plusieurs mots. En tout, ce sont environ 2400 mots dont l’orthographe a été modifiée. Si on peut difficilement nier cette simplification, elle n’est paradoxalement pas souhaitée par la majorité des Français. Selon un sondage réalisé par le Projet Voltaire et les Timbrés de l’orthographe :

  • 95 % des personnes interrogées estiment que le niveau d’orthographe baisse
  •  62 % des personnes interrogées estiment que la langue française est difficile

Mais pour autant :

  • 80 % des Français s’estiment plutôt bons en orthographe
  • 64 % s’opposent à ce qu’elle fasse l’objet de simplifications.

Comment se traduisent ces modifications linguistiques en entreprise ?

Un terreau très fertile 

Le monde de l’entreprise est l’un des plus sensible à ces changements, notamment parce que le rythme de travail implique souvent que la communication se fasse rapidement et efficacement : on essaie d’être clair et concis. Ainsi, on se dit « Hello ! » le matin, on utilise des termes reminder, deadline, pitch, brief, challenging, scaler, wording, co-working, et nos journées sont ponctuées d’acronymes comme BTW, EY, IMO, EOB, ASAP, EDB parmi beaucoup d’autres. Parce que simplicité va souvent de pair avec efficacité et gain de temps, leur utilisation devient de plus en plus massive et récurrente que ce soit à l’oral ou à l’écrit. De plus, l’anglais est la langue des affaires, incontournable dans des univers comme celui de la communication, du marketing de la mercatique. Elle est associée à la modernité et au dynamisme.

Un facteur d’exclusion et de confusion ? 

Comme vu plus haut, les plus grands amateurs de ces mutations de la langue française sont de loin les jeunes. L’arrivée de ce nouveau vocabulaire peut donc être plus difficile à vivre pour ceux qui les précèdent, notamment les seniors. Dès lors cette simplification du vocabulaire est loin de rendre le monde de l’entreprise plus inclusif et ne rendrait pas plus simple la communication au sein de l’entreprise, au contraire. D’autant plus que, associé la modernité et à la vitalité, beaucoup préfèrent faire mine de comprendre plutôt de prendre le risque de passer pour des personnes « has been. » 

L’utilisation des anglicismes en SEO 

Un autre univers dans lequel les anglicismes et la simplification du langage sont très présents est celui de la tech : web, zoom, post, chat, downloader… La liste est longue. En matière de SEO, utiliser des anglicismes en rédaction web devient indispensable. En effet, les volumes de recherche seront souvent beaucoup plus importants sur le mot-clé en anglais que sur le mot-clé en français.

 

Alors, enrichissement ou déstructuration ? Les avis sur le sujet divergent. D’une part, la langue française se simplifie avec un vocabulaire et une orthographe moins élaborée, de l’autre elle se diversifie avec l’inclusion de nombreux mots anglais. Pour certains, il s’agit d’une ouverture, pour d’autres, au contraire, une obstruction, mais ce qui est certain c’est qu’elle évolue avec son temps et les phénomènes de société. On ne peut pas refuser cette évolution ou la nier, elle est partout, autant dans les domaines personnels que professionnels, cependant ça ne veut pas dire que la langue française est en train de disparaître pour autant. Assez paradoxalement la majorité des Français sont contre la simplification. La langue française ne meurt pas, elle évolue avec la société et s’adapte pour prospérer. Ce qu’il faut, c’est laisser le temps à tous de s’adapter avec elle, car plus que des règles ou des dictionnaires ; chacun d’entre nous est le dépositaire de la transmission de notre langue maternelle.

 

Rédactrice : Clotilde Chevalier 
Direction Communication Groupe IGENSIA Education (ex Groupe IGS)

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